lundi 26 novembre 2012

Pinheiros, Vila Madalena

Les voyages c'est fait pour instaurer de nouvelles habitudes! Et une des premières choses que l'on a instauré après plusieurs week-ends de fêtes et de sorties c'est le brunch le dimanche matin. D'abord c'est une excellente motivation pour se lever avant midi, quelle que soit l'heure à laquelle on s'est couché, c'est donc une manière de ne pas perdre sa journée. Deuxièmement c'est un bon moyen de visiter de nouveaux quartiers, or les quartiers qui bougent même le dimanche, sont en général des quartiers sympas. On s'est donc retrouvées entre filles, à instaurer la tradition du brunch dominical à Vila Madalena, le quartier hippie-bobo par excellence.  Bon comme les salgados (en cas généralement trop frits, trop salés, à la viande ou au fromage) ont leurs limites, aussi bien gustatives que caloriques, on va au Pain Quotidien, pour manger des salades composées et des pâtisseries fines (ça se voir moins que c'est calorique).
Et après on élimine en gravissant les montées et descentes qui caractérisent si bien São Paulo (non, n'insistez pas, le 18e c'est plat pays à côté!) On fait les boutiques - non pardon! du lèche-vitrine parce que le peu d'argent qu'on a, on préfère le mettre dans des voyages!- dans les boutiques ouvertes, on goutte les fruits et légumes du marché alimentaire au coin de la rue, on prend en photos les innombrables œuvres murales (oui des tags, oui) qui animent et colorient le béton, on regarde avec envie les maisons individuelles colorées, fleuries et soignées, et on refait le parcours de la soirée précédente.
Parce que de fait, Vila Madalena c'est aussi un endroit où on sort le soir parce qu'il y a plein de bars à samba, de boîtes intimistes et d'endroits sympas où prendre un verre. C'est the-place-to-be, quoi.

Vila Madalena n'existe qu'en tant que station de métro. En réalité l'endroit est englobé plus largement par Pinheiros, le quartier sud-ouest de la ville. On descend la rue Cardeal Arcoverde bordées de boutiques de meubles et d'antiquaires, en longeant le Cimetière de São Paulo. On contourne ce dernier pour remonter la rua Harmonia, en faisant un crochet par la minuscule ruelle Gonçalo Afonso, connu pour être recouverte de tags artistiques. On continue l'ascension croisant la Rua Aspicuelta, où se trouvent tous les bars animés quel que soit le jour de la semaine, avant d'arriver à la rue Wisard, que l'on prend en tournant à gauche. De là, on suit la rue plus calme, plus résidentielle. On croise la rua Girassol (Tournesol!), puis Fidalga, avant de croiser la rua Fradique Coutinho, de nouveau plus agitée, bordée par des restaurants et des magasins de toutes sortes. On redescend la colline, retombant sur la rua Cardeal Arcoverde, que l'on laisse derrière pour arriver à la rua Teodore Sampaio. Au cours de l'ascension de la rue, on passe des magasins de meubles à un agglutinement incroyable de magasins de musique. C'est l'endroit des bêtes de scènes et des musiciens classiques, on y trouve tout en relation avec le domaine musical. Arrivés à un certain point de la rue, on tombe sur la Praça Benedite Calixto, avec un marché d'antiquaires et de créateurs de toutes sortes le samedi. C'est l'endroit où s'arrêter pour moi, parce que j'habite à deux pas et qu'en général, vos jambes/ vos pieds et/ou vos reins vous supplieront de leur accorder un peu de repos à ce point de la ballade! (Je vous avais prévenus: São Paulo c'est pire encore que les 7 collines de Rome!)

La PUC - ou comment révolutionner l'image des facs catholiques

La PUC. Je rappelle que cet acronyme aux sonorités sensuelles et mystérieuses signifie en fait Pontificia Universidade Catolica. Je n'ai jamais été en école privée, c'est une première. Mais les premiers pas dans ma facs ont eu tendance à démontrer que le Catolica n'est qu'un vestige du passé, qui s'accroche sous la forme d'une charmante petite église pleine d'azulejos sur le côté du Prédio Velho.

A la PUC on boit, on fume et on crache. C'est la pure vérité et n'en déplaise aux asthmatiques, on y fume très peu de tabac (mais on boit principalement de la bière!) Et il y a plein de petits détails qui me ravissent et rendent cette fac d'autant plus attachante comme le piano à l'entrée de la bibliothèque (oui ça peut paraitre incongru!) accessible à tout le monde, le magnifique Patio de la Cruz, le terrain de sport multifonction, surplombé par le bosque (non ce n'est pas une faute de frappe/ d'orthographe, mais bien le mot portugais) d'où on peut regarder les jeux ou siroter un café à l'ombre des arbres (bon on en ressort généralement avec des feuilles dans les cheveux, mais ça donne un côté Robin-des-Bois assez sympa), la vue caractéristique des gratte-ciels de São Paulo depuis le 5e étage du Prédio Novo (par ailleurs plus fonctionnel qu'élégant, en comparaison au beau bâtiment du Prédio Antigo), les innombrables petites cafettes et bureaux des élèves rattachés à des départements différents (le leader reste incontestablement le CACS - cafette-repaire des étudiants de sciences sociales!), et bien évidemment tous les bars que l'on voit depuis la bibliothèque, perpétuellement occupés par des étudiants surchargés de travail, qui noient leur inquiétude face à l'avenir dans des pintes de bière.

Sans surprise finalement, la relation aux professeurs est une relation d'égaux, voire d'amis. De fait, la langue portugaise, avec son "você" universel, facilite ce rétrécissement des distances (pour le coup c'est très proche de l'anglais!) Je le vois aussi dans le fait que (du moins en sciences sociales) on pousse les étudiants à faire de la recherche en tant que telle très tôt, dès la deuxième année. Leur Iniciação, est en réalité un mémoire de recherche déjà, qui leur fait mettre la main à la pâte, faire du terrain, choisir un sujet, contacter des personnes, faire des entretiens, observer, mettre en relation avec des auteurs, des concepts, des théories, mais aussi tirer leurs propres conclusions. Et si ce travail est bon, on le met en valeur, on leur fait exposer au cours de "tables rondes" parce que dire "conférence", c'est trop unilatéral. On leur fait publier dans des revues, de la fac ou d'ailleurs, on en parle, on leur en fait parler, on les encourage à aller plus loin, à réutiliser leurs résultats dans des travaux ultérieurs. Bref, on leur apprend le métier de chercher. Mieux que ça, on leur fait pratiquer. De manière plus générale, les étudiants brésiliens accumulent généralement études et stage (cruellement sous-payé, cela va sans dire). D'où des horaires tôt dans la matinée (à partir de 7h!) ou tard le soir (jusqu'à 23h). Autant dire que la jeunesse brésilienne est une jeunesse occupée, entre les études, le travail, la famille, les amis, les sorties et les amours, je les soupçonne fortement de ne pas dormir la nuit!

Et puis il n'y a pas de cours magistraux (quel dommage...) mais que des conférences plus ou moins intimistes que l'on prépare par une lecture (méticuleuse bien sûr) des textes originaux des auteurs. Je n'ai jamais autant lu que cette année. Parce que j'ai plus le temps de faire mes lectures, parce que lire le portugais me prend encore trois fois plus de temps, parce que je lis avec plus d'attention aussi. Il va sans dire que le type de textes que j'ai à lire ici n'est pas le même type qu'à Sciences-Po. Ici on n'a pas peur d'afficher clairement ses opinions politiques (communistes/ anarchistes) dans un article scientifique, ni de revendiquer haut et fort  l'influence déplorable qu'a l'impérialisme norte-americano (comprendre étasunien) sur le monde, et en particulier sur l'Amérique Latine. A noter qu'il est beaucoup plus facile d'acérer son esprit critique sur des textes aussi engagés. Mais que le tout manque sans doute un peu de variété et de contre-exemples.

Cependant je ne doute pas une seule seconde que cette culture communiste encourage les étudiants à s'engager peut-être davantage qu'à Sciences-Po (on en revient toujours là, mais je n'ai pas d'autres points de comparaison pour le moment...)

On a un exemple frappant en ce moment: pendant que la PUC est en grève générale pour défendre les valeurs de la démocratie, Sciences-Po se dépatouille avec un rapport de la cour des comptes qui rappelle des "irrégularités récurrentes" dans la gestion du budget de l'école, débouchant sur le refus d'instituer Hervé Crès comme directeur de l'école. Bien que je sois loin, il ne me semble pas avoir entendu que les évènements ait intéressé un grand nombre d'étudiants. Pas assez en tout cas pour créer un mouvement de groupe notable. Les faits ne sont certes pas comparables mais ils permettent d'avoir un aperçu des réflexes de mobilisation dans les deux facultés.
A la PUC le directeur est élu lors d'une élection ouverte aux étudiants, fonctionnaires et professeurs. Les trois premiers candidats sont soumis au Cardinal qui nome l'un d'eux. Traditionnellement, c'est le premier de la liste qui est choisi. Mardi 13 novembre, le Cardinal a choisi de nommer la troisième candidate de la liste, Ana Cintra. Vécu comme un "coup d’État" et un manquement grave aux principes démocratiques, élèves, professeurs et fonctionnaires se sont mobilisés pour protester contre cette mesure en votant à l'unanimité la grève générale. Ce même mardi les salles ont été vidées de leurs chaises, empilées sur la Prainha (l'espace qui sépare le Prédio Novo du Prédio Antigo) et dans le Patio da Cruz, comme symbole de l'arrêt de toute activité académique. Depuis s'enchainent les assemblées générales de tous les départements qui rallient peu à peu le mouvement, les groupes de discussions, les interventions publiques des professeurs et des étudiants (qu'il y ait une véritable argumentation à présenter ou non d'ailleurs), les "fêtes de résistance", les "churrascos (barbecues) de la révolution", et autres réjouissances de l'ordre de l'engagement civique et révolutionnaire.

Et je trouve ça bien. De fait il y a eu un non-respect des procédures habituelles et la nomination de cette candidate est largement politique puisque le Cardinal vise le renforcement des valeurs catholiques au sein de la PUC (soit dit en passant, y a du boulot!). Et puis bien que le premier mouvement (celui des chaises en particulier) ait été spontané, c'est intéressant de voire le mouvement s'organiser, se densifier, se ramifier autour de plusieurs actions différentes. Il y a des pétitions, des réunions, des conférences pour faire des actions "choc" mais sans porter de préjudices administratifs aux étudiants. Les partiels ont été remplacés par des travaux à la maison, certains profs -ne font pas cours oh non! tout le monde est en grève - mais se réunissent au bosque (rien à voire avec des sous-bois, c'est plutôt une courette) pour "discuter" avec les élèves à l'heure habituelle des cours, etc.
Évidemment qu'il y en a qui soutiennent la grève pour ne pas avoir à se lever trop tôt le matin, évidemment que personne n'est resté occuper la PUC pendant les 5 jours de fériés, évidemment qu'ils n'ont pas encore cassé toutes les vitres pour montrer le sérieux de leur engagement, mais le mouvement continue, persévère et s'amplifie.

Alors je n'ai aucune idée des chances qu'il peut y avoir de changer le cours des choses, mais au moins il y a de la mobilisation. Et même si je ne me sens pas tout à fait légitime pour participer haut et fort, j'observe discrètement, en tant "qu'anthropologue" en herbe, les cheminements et les choix qui sont pris. Et j'apprends. Parce qu'au fond c'est la première fois que je sens un véritable mouvement collectif de protestation constructif s'organiser sous mes yeux.


La vie en communauté

C'est dur d'écrire cet article alors que j'ai déménagé, que l'on connait d'ores et déjà le fin mot de l'histoire. Mais il faut bien que je revienne sur ces quatre mois qui ont marqué le début de la course, le début de ma nouvelle vie, et qui malgré tous les inconvénients, restent de bons souvenirs (la mémoire sélective a fait son œuvre il faut croire!)

La Republica est d'apparence une jolie maison violette (si! si!) dont l'espace commun arbore fièrement une bonne partie des drapeaux du monde. Table de billard, ambiance de backpack, cuisine américaine, l'espace commun offre un abord plutôt sympathique. Les chambres sont de tailles et de qualité trèèèèès inégales. On va de la cage à lapin à des chambres claires et spacieuses (il va sans dire que les prix varient en fonction!)

Et puis on rencontre petit à petit nos voisins. Il y a beaucoup d'allées et venues, l'endroit ressemble plus à une auberge de jeunesse qu'à une vraie colocation, mais il y a les irréductibles qui sont là depuis 6 mois, un an, parfois plus! Et petit à petit on sympathise (manque d'intimité oblige) parce que le soir quand on rentre tard il y a toujours quelqu'un dans la cuisine, réchauffant une pizza ou des nuggets surgelés, parce qu'on entend les conversations skype des voisins, parce qu'on sait toujours si la douche est occupée ou non (et je ne parle pas que des Castafiores en herbe!), parce qu'il suffit de toquer à la porte d'à côté quand on en a marre d'être "seul(e)".
Et puis c'est tellement facile d'inviter du monde dans l'espace commun, "Passe à la maison y a de la place!", et tes voisins sont toujours d'accord pour improviser une petite soirée - dansante, arrosée, bruyante, ou non. La télé est toujours allumée, des fois que l'on ait une impression de trop calme; mais ça a l'avantage de nous tenir au courant des péripéties passionnantes et complexes de toutes les telenovelas (et il y en a beaucoup!)
La cuisine est donc l'espace de socialisation le plus efficace: on s'observe -non pardon, on se marche dessus parce qu'on manque un peu de place - pour noter les bonnes idées de recettes. En effet il y a pas mal de nationalités, les casseroles en ont sans doute vu de toutes les couleurs! (enfin peut-être pas trop le vert, parce que les légumes sont une denrée rare en milieu étudiant)

Mais tout ce que je viens de dire et qui est parfaitement sympathique peut être perçu d'une toute autre manière dans les mauvais jours. Le manque d'intimité, de propreté (je mettais promis de ne pas mettre ça sur le dos de la gente masculine, mais il se trouve qu'ils étaient quand même largement majoritaire - mais ça ne veut rien dire bien sûr!), d'horaires fixes pour prendre une douche,  mettre de la musique, ou inviter des ami(e)s, rendent parfois le repos et l'impression d'être chez soi un peu délicats.

On persiste un peu parce qu'un déménagement c'est du temps et de l'argent et que tout le monde est tellement sympathique par ailleurs, mais on finit par craquer.
Un déménagement c'est l'occasion de trouver mieux à moins cher. Mais même comme ça on est un peu anxieux parce qu'on sait pertinemment ce qu'on laisse mais que - malgré une visite avec un œil acéré, on ne sait pas très bien ce qu'on va trouver.
Alors on fait le grand plongeon (tête la première!)

Bilan: Je suis passée de Perdizes - quartier bourgeois de São Paulo, à deux pas de la PUC, à Pinheiros - quartier bourgeois mais hypster de São Paulo, à trois pas de la PUC! Et c'est mieux, même si évidemment le dimanche soir quand on ne sort pas, on irait bien taper à la porte de ses voisins pour s'endormir devant un film de qualité très variable :)

vendredi 23 novembre 2012

La dictature de l'émerveillement

J'ai eu globalement de la chance. Je ne suis pas arrivée seule, mais (très) bien accompagnée. Les démarches à la police fédérale se sont bien passées, on a trouvé un logement (qui s'est avéré temporaire par la suite!) rapidement, bref, je me suis vite sentie chez moi!

Une fois les adieux faits à l'auberge de jeunesse, les valises déposées dans le nouveau chez soi (certes un peu sombre, un peu cher, un peu bruyant, mais on va faire avec!) il ne nous restait plus qu'à visiter notre nouvelle ville d'adoption.

"Tu verras São Paulo c'est terrible, c'est trop grand, trop pollué, il y a trop d'embouteillages, c'est trop dangereux, il y a trop d'inégalités etc. "
Autant vous dire que je ne savais pas trop à quoi m'attendre. Mais je n'appréhendais pas plus que ça, j'avais confiance (en ma bonne fée? en mes choix? en mon enchantement facilement stimulable en voyage?)
Et ça a marché: le coup de foudre a opéré immédiatement. D'une certaine manière ces bonnes gens avaient raison, São Paulo c'est "trop". Mais pour moi c'est tellement de choses à faire, tellement de choses à voire, tellement vertical, tellement de mouvement, tellement de jeunes, tellement de musique, tellement de contrastes, tellement différent, ... TROP bien quoi!

Les deux premiers mois ont été un tourbillon de bonnes choses, de folies, de découvertes, de rencontres, de visites, de voyages, de sorties, d'apprentissages, de progrès, d'émerveillements. La vie était trop belle, pour le coup. Et puis au bout de deux mois il y a eu les choses sérieuses. Parce que oui, on est là pour les études - si ce n'est avant tout, au moins en bonne partie.
Et puis il y a des choses que l'on ne vous dit pas mais même à 20 ans, le corps se fatigue. Les sorties, les visites, les voyages, les restos, l'alcool et le reste sont à consommer de manière modéré, il faut le dire. Or nous touchons du doigt une problématique de la 3A dont je ne me serais jamais doutée: la dictature du "aproveitar". Notre temps ici est compté, tout le monde nous répète à l’écœurement que "Ça va passer vite, tu sais!".
Alors, il est interdit de dire non. "On se fait un resto, je connais une adresse super sympa! - Oui.", "On se fait une toile, j'ai entendu parler d'un festival de films super cool! -Oui", "On bouge ce week-end? J'ai des amis qui vont à la plage. - Oui.", "Whaou y a une soirée VIP à Vila Madalena! - Oui.", "On fait les boutiques? - Oui.", "On se fait l'expo X? - Oui.", "Tu sors ce soir? - Ou... NON"
Ce soir, pardonnez-moi, j'ai besoin de rester tranquille, végéter dans mon lit avec une casserole de lait chaud à mes côtés, parce que je suis fatiguée, et que mon compte en banque voit rouge.

Allez, dites-le, je vous entends déjà "Pauvre petite fille pourrie gâtée par la vie et les circonstances!". Oui c'est vrai. Mais même les gens heureux ont besoin de faire des pauses de temps en temps!

Remonter aux origines

De fait, j'ai renoncé à faire dans l'original. En ce qui concerne les 3A finalement rien n'est original mais tout est unique. Je ferais donc un blog qui décrira à peu de choses près ce que mes prédécesseurs ont vécu, mais que j'aurais le plaisir de croire rénové pour moi. "Ni toute à fait la même, ni tout à fait une autre", Verlaine et sa femme idéale, moi et les voyages.

J'ai déjà largement entamé ma 3A, d'autant plus qu'au Brésil j'ai foncé la tête baissée dans un 2e semestre (calendrier hémisphère sud oblige!) dès le mois de juillet. Enfin j'ai commencé par un stage de portugais, consciente du fait que j'étais loin d'avoir le niveau pour suivre des cours de fac avec mon élégant portugnol teinté d'un accent français charmant, mais à couper au couteau (celui-ci me colle à la peau d'ailleurs, encore aujourd'hui). Malgré le fait d'être entrée à Sciences-Po pour une 3A au Brésil, je n'ai pas réalisé lors de ma première année, qu'il aurait fallu abandonner l'espagnol pour apprendre le portugais. Je n'ai donc bénéficié que de deux semestres de portugais à Sciences-Po avant de faire le grand plongeon (oui, d'autant plus que le niveau était intensif comme on peut s'en douter!) C'est pour cette raison que j'ai atterrie à la PUC, le Pontifícia Católica de São Paulo. Je dois avouer que je n'aurais jamais choisi une fac privée et catholique de mon plein gré (j'ai été élevée dans la plus pure tradition républicaine et laïque, voire athéiste!) mais la tradition marxiste-révolutionnaire qui suinte de chaque couloir et des lectures obligatoires, offre une perspective différente (et agréable) des habitudes sciences-potistes. 
J'ai donc suivi un cours de langue de trois semaines à la PUC même, ce qui m'a permis de me familiariser avec la langue, l'université et quelques étudiants en échange, comme moi. 

C'est tout un procédé d'apprendre une nouvelle langue. Surtout que je chantais déjà en yaourth les chansons de mes artistes brésiliens favoris (Milton, Lenin, Seu Jorge sont dans mon top 3, mais je n'oublie pas Caetano, Marisa, Chico, Gilberto et tant d'autres!) Tout d'un coup les paroles de ces chansons s'éclairent, on comprend mieux les allusions des rapports de séjours que l'on a appris par cœur au moment des choix, les conversations des gens dans la rue, dans le metro et dans le bus sont de nouveau sujets à des espionnages indiscrets (mais vous comprenez, c'est pour améliorer mon portugais!) 
On commence à pouvoir lire des livres entiers (ma première fois avec Jorge Amado et son Mar Morto, reste un souvenir torride...) On s'amuse avec sa super copine française à parler en portugais, on va voire des films et on constate avec plaisir que l'on a de moins en moins besoin de feindre de rire en même temps que les autres spectateurs. On commence à avoir d'autres conversations avec les brésiliens que le traditionnel "Tu viens d'où? Tu fais quoi au Brésil? T'es là pour combien de temps?" et on commence même à faire des blagues! (Faire rire un autochtone, c'est le jackpot de l'auto-satisfaction)

Mais il y a aussi ce sentiment que quoi que l'on fasse comme effort, il restera toujours cet accent français qui vous rend parfois difficilement audible et qui vous désigne dès le premier "Olà!" comme gringa. Et puis la sensation que quels que soient le temps passé à apprendre ses conjugaisons, sa grammaire et son vocabulaire, la montagne de choses à apprendre ne diminue pas, mais bien au contraire s'agrandit et - dans les mauvais jours - vous fait de l'ombre. 
Persistez. C'est simple. Mon portugais ne sera jamais parfait, pas en un an, encore moins en six mois. Mais ce n'est pas grave, l'essentiel est de comprendre, de se faire comprendre et de continuer à apprendre.
Ma 3A n'aurait pas été complète sans ce petit défi supplémentaire, cet aiguillon qui déstabilise certes, mais qui enrichit d'autant plus.

Et puis c'est un peu la raison de ma venue ici: la langue, Milton Nascimento, la musique, Bahia de tous les saints, la forêt amazonienne, le carnaval, la samba, Jorge Amado. (Si je ne cite pas le foot et la feijoada, c'est que je n'en soupçonnais pas encore l'importance!)


Alors avis aux amateurs! Le Brésil, c'est bien plus encore que ce que j'imaginais!