lundi 1 avril 2013

Voyage au coeur du poumon du monde

Manaus
3h à peine d'avion pour quitter la jungle urbaine de São Paulo, pour la chaleur moite des baraques colorées de Manaus. Foisonnante, alambiquée, alarmée, bruyante, polluée, mouvementée, congestionnée, bancale, commerçante, contrastée, Manaus ne manque pas de surprise, ni de charme. Nous sommes reçus par une grande famille, dans une grande maison, pleine de vie, de monde, et de projets!
Comme souvent dans les villes brésiliennes, on trouve le petit îlot colonial du centre ville magnifique mais surprenant d'européanité dans un environnement par ailleurs presque africain!
L'aventure continue pour le but principal de notre voyage, à savoir la forêt!

Premier contact  avec la Forêt
Deux jours après l'atterrissage de l'avion, nous voilà dans un bus qui nous éloigne lentement de la civilisation, pour des paysages de plus en plus verts, et sauvages.
Nous sautons du bus pour prendre une barque motorisée sur le fleuve Uburu, un des confluents de l'Amazone. Le soleil tape, le moteur ronfle, le fleuve suit tranquillement son cours, sûr de sa force. Nos premières nuits en hamac nous laissent un peu courbaturés par la position inhabituelle et l'inattendue fraicheur de la forêt.
Notre initiation aux coutumes de la forêt nous fait passer par de la pêche aux piranhas, un barbecue sur la plage, le lever du soleil sur le fleuve, des randonnées en bateau et à pied, des nuits à la belle étoile, qui nous laissent ravis et émerveillés.
Si je ne dois retenir qu'une chose de ce début de séjour (parce que j'écris cet article bien trop tard, les souvenirs se flouent déjà de moi!) c'est le bruit que nous faisons quand nous essayons d'être silencieux. Les longues marches dans la forêt dans l'espoir de surprendre un animal sauvage se faisaient dans le silence de la forêt et le vacarme de notre discrétion.

Bateau entre Manaus et Santarém
L'attente, la chaleur, le bruit, la promiscuité, les crackers et les conserves, l'économie d'eau, les toilettes-sauna, le foisonnement de couleurs des hamacs, l'oisiveté obligatoire, José de Alencar, des conversations, beaucoup de sommeil à rattraper, le paysage toujours similaire mais jamais tout à fait le même, le vrombissement discret du moteur, l'attraction des haltes, l'arrivée, enfin!

Flona
Alter do Chão ne nous retient qu'une nuit dans un premier temps, juste de quoi planifier notre seconde incursion dans la forêt! Cette fois ci il s'agit de la Floresta Nacional do Tapajos. Notre guide, Irassildo nous achemine dans sa jolie barque, jusqu'à sa famille. Papi aux airs d'Indiana Jones, Irassildo a en fait 14 enfants, dont 10 filles qui lui ont déjà fait 23 petits-enfants! 14 enfants de la même femme, la petite dernière a à peine un an et demi.
Couchés avec les poules, levés avec les coqs, nous nous familiarisons de cette façon avec fromagers (c'est un arbre! - je précise on ne sait jamais...), singes, tarentules, et plein d'oiseaux!  Ballades en forêt, en rivière et en marécages se succèdent. Grâce à Irassildo on fait la connaissance d'un ragondin, de caïmans et moustiques agressifs. On est trempés, on a le caouet qui nous colle à la peau, on est sales, on est plein de piqûres diverses et variées, on est fatigués, on a faim, mais qu'est-ce qu'on est heureux! Finalement, qu'est ce qui pourrait nous pousser à rentrer? ... La curiosité d'en voire plus ailleurs je suppose! :)

Alter do Chão
 Décrite comme "Les Caraïbes de l'Amazone", ou encore, une petite ville colonisés par les touristes hippies qui n'en sont jamais repartis, Alter do Chão ne manque pas de charme. Plages de sable blanc, petites baraques vendant des bricoles pour les touristes, ambiance décontractée et tranquille, c'est le calme avant la tempête!

Bateau entre Santarém et Belém
L'embarquement pour cette seconde partie du voyage est chaotique. Quand finalement nous réussissons à embarquer, on constate avec une pointe de déception que le bateau n'est pas tout à fait le même: il y a plus de cabines, ce qui laisse moins de place pour les hamacs, qui se croisent et s'entre-mêlent littéralement les uns aux autres. La proximité un peu gênante au début, devient vite une habitude. Néanmoins les arrêts fréquents et les allées et venues des nouveaux arrivants changent régulièrement la configuration de l'espace (et pas toujours de manière avantageuse, cela va sans dire!)
J'ai les jambes criblées de piqûres, il y a quelques puces qui se baladent dans les hamacs, il fait chaud, un peu trop sombre, les toilettes sont sales, les gens ont bruyants, les lumières restent allumées toutes la nuit, et pourtant... je suis heureuse de sentir le doux balancement de mon hamac, de n'avoir rien d'autre  à faire de que lire, dormir, écrire, manger. De pouvoir fuir la chaleur au profit des courants d'air du pont, de constater les variations subtiles du paysage de jungle que nous longeons. De voire les couleurs vives des hamacs chatoyer, de pouvoir penser plus, de rêver (guide à l'appui!) de mes prochains voyages, de lire des romans, de m'inquiéter pour les petites barques dirigées par des grands enfants, s’accrocher au bateau pour vendre fruits et légumes frais; d'assister au lever et au coucher du soleil puisque dormant dans la journée, on en perd le sommeil la nuit.
Dans quelques heures nous arrivons à Belém, dans quelques jours nous rentrons à Sampa, dans quelques mois je retourne en France, mais le voyage, est loin d'être fini!!

Belém
Ancienne capitale du caoutchouc, "Paris tropicale", pleine de bâtiments de la Belle Époque à des stades de décrépitude plus ou moins avancés, survolée de vautours, envahie par les poubelles du Mercado Ver-o-Peso regorgeant de merveilles et de merdouilles, trait d'union entre l'Atlantique et l'Amazone, Belém la Belle me plait beaucoup. Mais ce n'est pas le cas de tout le monde et je peux le comprendre. Les contrastes sont parfois difficiles à appréhender et la misère reste très présente. Mais le mystère qui se dégage de chacune des ruelles bigarrées, envahies par des échoppes variées, les dissonances qui s'échappent des disharmonies architecturales, restent fascinantes!

Ilha do Marajo
 Des balades en buffle (si, si!), à vélo (si, si!), des plages salées, des coups de soleil, une légère paresse de fin de voyage, mais des moments de grande solitude dans une nature intouchée et intouchable!

Retour
Après 3 semaines intenses aussi bien physiquement qu'au niveau de notre potentiel émotion, on rentre presque soulagés, de belles images et souvenirs plein la tête. Les projets sont légions, ma tête bouillonne d'attente, d'espoirs, d'énergie, d'excitation, ... mais je finis par m'endormir. Même mes grands aventuriers ont droit au repos!

Un goût de fin de semestre

Comme je vous l'ai expliqué c'est la grève. Donc il n'y a plus cours. C'est aussi la fin du semestre. Un peu anticipée du coup. Je passe encore mes journées à la bibliothèque pour rendre les dissertations qui remplacent les partiels. Mais tout a déjà un goût de vacances (oups! pardon! de Ré-vo-lu-tion!!)
Bien que la fac soit occupée, il y a moins de monde. Il fait beau, les quelques étudiants restants occupent l'espace en profitant allongé à l'abri du soleil dans les alcôves du Patio da Cruz

Quand enfin, après une énième relecture des travaux dans lesquels on n'en peut plus de se plonger, on boit les derniers cafés; d'un côté avec ceux qui partent en vacance un peu à l'avance, de l'autre, - avec plus de tristesse - avec ceux qui rentrent définitivement. De fait, en échange le but c'est de rencontrer des autochtones; mais on rencontre avant tout, dans les premiers temps, les personnes dans la même situation que soi, qui partagent ce quotidien exalté par un endroit différent. C'est avec eux qu'on fait les premiers pas en portugais, les premières visites, les premières soirées endiablées, les voyages. Sauf qu'on n'est pas tous logés à la même enseigne et que si la vénérable institution science-potiste octroie des séjours d'une année entière; or telle n'est pas la norme.

Alors parfois je me laisse aller à une nostalgie des débuts, quand tout était encore en devenir, qu'on se découvrait mutuellement, qu'on avait encore le temps. Évidemment qu'il y a des promesses de retrouvailles dans nos pays respectifs, mais je ne peux m'empêcher de me demander lesquelles de ces promesses nous tiendront, lesquelles nous repousseront indéfiniment avant de ne plus oser se les rappeler.

Mais peut-être le terme "nostalgie" n'est-il pas adapté à cette étoile filante qu'est ce séjour. Peut-être s'agit-il davantage d'une douce mélancolie qui nous montre seulement à quel point ce premier semestre était réussi, mémorable, et que la première partie de cette grande aventure.

Et puis il y a tellement d'autres choses à penser: les préparatifs des voyages à venir, des arrivées comme des départs et des listes de résolution pour ce prochain semestre, qui se doit d'être encore mieux que le premier!

Préparatifs de voyage

La fin de semestre s'étire mais se rapproche de plus en plus de la date butoir. Plus la fin de mes travaux approchent, plus la concentration devient nécessaire pour faire les dernières corrections de mon ressort, plus l'esprit s'échappe inexorablement vers la destination du prochain voyage.

L’Amazonie. Un voyage prévu de longue date puisque les billets sont coûteux et que la préparation du voyage demande une bonne dose d'organisation.
Alors au lieu de travailler, on entame le début du voyage, on le fantasme, on l'imagine, on se projette déjà dans des paysages fabuleux, touchant du doigt des animaux sauvages fantastiques.
Puis on met les pieds dans le plat: on prépare ce voyage. On feuillette le guide, d'abord distraitement, puis de plus en plus attentivement; notant des adresses, des conseils d'amis, des choses que l'on veut absolument faire... Bref, on prépare l'itinéraire.
Puis on passe du théorique au concret, la valise, les médicaments, l'équipement nécessaire (caouet, lunettes de soleil, crème solaire, manches longues, chapeau etc.) On commence alors à réaliser le voyage.
Et puis il y a le décompte des jours, jusqu'au jour d'avant, où rien n'est encore prêt, mais tout est encore à faire! Puis l'aéroport, l'avion, l'arrivée et enfin, l'immersion.

La vie après la 3A

On ne le dira jamais assez: la 3A est un tourbillon! C'est une parenthèse aussi. Une parenthèse enchantée, encerclée par deux années de préparations, et deux années où l'on se remet de cette expérience. Seulement cette parenthèse est loin d'être hermétique. Bien que le présent soit prenant et que le passé reste un bon souvenir, il faut préparer le futur.
Étant donné que je suis une fille  prévoyante (comprendre stressée!) j'ai passé ma 2A à réfléchir à ce que je ferais après la 3A (très logique oui!) Il n'empêche que grâce aux conseils avisés d'une professeur, aujourd'hui amie, je me suis rendue compte qu'il était vain de passer en revue éternellement les masters de Sciences-Po dans l'inutile espoir d'allumer une étincelle pour l'un d'eux. "Pourquoi tu ne regardes pas ailleurs?"
Ça parait évident n'est-ce pas? Mais je n'arrivais pas à me faire à l'idée que Sciences-Po, que j'avais tant voulu, désiré, espéré, ne m'apportait pas ce que je voulais pour les masters et qu'il fallait donc que je quitte cette vénérable institution où par ailleurs je me sentais si bien.

Il fallait donc trouver quelque chose d'au moins équivalent à Sciences-Po - ou mieux. En cherchant les propositions de master en droit de la LSE, je crois bien avoir trouvé ma voie, qui répond aux doux sons de "Socio-Legal Studies". La LSE en tête, j'ai demandé conseil à d'autres professeurs de droit cette fois ci, pour trouver des alternatives (avoir un plan A c'est bien, un plan B/C/D/E c'est encore mieux!)
Rassérénée, j'ai pu partir en 3A l'esprit tranquille... dans un premier temps! Parce que oui, les facs anglo-saxonnes commencent les inscriptions aux masters dès octobre et les deadlines (s'il y a!) sont généralement en décembre. Me voilà donc au Brésil, en pleine année universitaire et en plein apprentissage du portugais, à me creuser la tête pour faire des lettres de motivation en anglais, parler de mon avenir, alors que le présent m'en met déjà plein les yeux en ce moment. Et puis après il y a toutes les procédures internet hyper intimidantes, avec ces questions qui paraissent toutes des pièges et auxquelles je ne sais jamais quoi répondre... Et puis tout ne dépend pas que de vous: il y a les lettres de recommandation (à qui demander? comment demander? comment relancer? comment remercier? jusqu'à combien de fois peut-on solliciter?), les documents que l'on doit demander auprès de grands organismes qui ne répondent jamais à vos mails (TOEFL, Sciences-Po etc.)
Et enfin, quand tout est près, que l'on a passé le questionnaire au crible 350 000 fois, que l'on a payé (oui il faut payer pour candidater, oui) et qu'il ne nous reste plus qu'à cliquer sur "Submit application", tu découvres qu'en fait il y a la même procédure, mais encore plus épineuse pour les bourses! Et c'est reparti, Second Round Mesdames et Messieurs, restez attentifs!!

Le tourbillon passé, c'est le calme avant la tempête. On essaie d'oublier qu'il va y avoir une réponse un jour, dans deux mois qui paraissent deux siècles... pendant 24h. L'attente n'en est en fait pas une, parce qu'après le présent reprend le dessus et le futur ne fait interruption que de manière intempestive (rêves, pensées, peurs espoirs...) dans les difficiles tentatives de se projeter dans un de ces choix. Évidemment on ne pense jamais en terme d'études dans ces moments là, mais en termes de villes, de loisirs, de paysages urbains, de langues, de logements, de facilités pour rentrer à Noël, etc.

Ceci étant dit, heureusement que c'est les vacances, que je suis en 3A et que la situation me permet d'oublier (relativement) tout cela!